Rap indépendant, comment le définir aujourd'hui ?

 Rap indépendant, comment le définir aujourd’hui ?

Rap indépendant, rap underground, puristes .. Nombreux sont les termes qui nous caractérisent, nous les auditeurs d’un rap moins connu et plus marginalisé. Mais y’a t-il vraiment une seule définition de ce qu’est le rappeur indépendant, qui mettrait tous les auditeurs de rap d’accord ? Nous avons enquêté sur la question.

Etant grande amatrice de rap en général, mais évoluant dans le milieu du rap indépendant tout particulièrement, je vois souvent au centre des débats la question “C’est quoi être un indépendant”. Et ce dont je suis certaine, c’est de n’avoir jamais vu une réponse qui mette tout le monde d’accord. Je me suis donc demandée comme on pourrait faire le prototype du rappeur indépendant, et pour cela, quoi de mieux que de solliciter une communauté familière à l’indépendance, et qui l’apprécie ? J’ai donc usé de mes réseaux sociaux et des quelques contacts dont je dispose pour me faire un panel de réponses suffisamment large pour tenter de répondre à l’existentialisme de notre milieu. J’ai donc interrogé un panel de moins de 25 ans à 71 %, à majorité masculine (79 %) mais qui ne se définie qu’à 54 % comme “puristes”. (621 personnes à l’heure où j’écris cet article).

Avant toute chose, j’ai voulu trouvé une définition universelle du terme “Rap indépendant”. Quoi de mieux qu’une encyclopédie ouverte à tous pour essayer de lire une définition qui semble convenir à tout le monde, amateur comme néophyte ? Et c’est donc sur Wikipédia que je l’ai trouvé : “ Le hip-hop underground, underground hip-hop ou hip-hop indépendant, est un terme générique désignant la musique hip-hop publiée en dehors du système commercial. Le terme est typiquement associé aux musiciens indépendants ou signés à des labels indépendants. Le hip-hop underground est souvent caractérisé par des paroles conscientes, positives, ou anti-commerciales. Cependant, il ne s'associe à aucun thème universel.” Et déjà, il y a un hic. Dans l’esprit commun, underground = indépendant. Mais est-ce vraiment la même chose ? D’après vous, non.

Le rappeur underground c'est plutôt la personne en marge des tendances, des codes du moment, qui est un peu cachée du public, mais ça peut être un artiste non indépendant tout de même !” nous dit ainsi Fen-X, un beatmaker Strasbourgeois. Vous vous accordez plus où moins sur le fait que c’est plutôt un état d’esprit, même si certains soulignent que le fait d’être indépendant va souvent de paire avec le fait d’être underground. Comment définir ce qu’est un rappeur indépendant alors ? Nous avons demandé cela à Davodka, l’une des figures incontournables du rap indépendant (mais aussi underground .. Vous suivez jusque là ?). “Un indépendant c’est soit un artisan solo, soit un groupe qui prend l’initiative avec ses propres moyens de faire de la musique, qui se procure au fil du temps du matos pour faire sa petite popote lui même, et qui met ses sons lui même sur la toile. Et même si il a un contrat de distribution ça reste un indépendant parce qu’il crée lui même et choisit lui même par qui et comment va être distribué son projet.” Ce qui est certain, c’est que le fait d’être underground est intrinsèque au fait d’être indépendant, et cette notion reviendra souvent dans la suite de mon étude.

Je vous ai demandé dans quel domaine l’artiste se doit d’être indépendant pour en porter le titre, vous avez été 92 % à estimer qu’il est indispensable que la création lui soit propre. Ainsi, Easywiish me dit sur Instagram qu’un indépendant est “un rappeur qui écrit lui même ses textes, sans être influencé ou poussé par un label”. _cedric77 ajoute qu’il ne faut qu’il ne subisse “aucune pression de la part de maison de disques ... et que le projet se termine exactement comme le veut l’artiste”. Il est clair que le public du rap dit indépendant tient énormément à la liberté d’écriture de l’artiste. Cela va de paire avec le fait que vous êtes 77 % à attacher plus d’importance au fond qu’à la forme, et vous n’êtes que 24 % à penser que Rap indépendant/Underground = Prod à l’ancienne. J’ai posé cette question notamment suite à un débat apparu sur la page Openbarz, où certains estimaient que le rap indépendant/underground ne l’était que sur des prods à l’ancienne, et que le fait de passer à d’autres types de prods implique forcément une volonté de plaire au grand public. Les résultats confortent mon idée que cela ne concerne qu’une branche “extrémiste” du mouvement indépendant, qui pense que cette notion se situe dans le fond comme dans la forme. Je pense notamment au dernier single de Flynt, qui s’est vu reproché dans les commentaires son audace en revenant avec une instrumentale relativement moderne, alors que le style d’écriture est clairement resté à la pointe de son talent. Mais le ratio j’aime/j’aime pas sur la vidéo démontre qu’effectivement, cette idée reste minoritaire.

Bien que la création est pour vous l’élément le plus important pour définir un indépendant, vous n’en avez pas moins d’avis sur la question de l’aspect “professionnel”. Salaires, distribution, contrats, tout y passe. Mais pour ce point, vos avis sont beaucoup moins tranchés. Rémi Lacrampe sur FB me dit qu’un rappeur indépendant “n'est pas soumit à une politique commerciale”. Cela restreint énormément les artistes qui peuvent prétendre au titre d’indépendant, car nombreux sont ceux qui sont aujourd’hui distribués, que ce soit en versions physiques ou digitales. Mais vous êtes généralement beaucoup moins sévères que lui sur la question. Pour 87 % d’entre vous, un artiste reste indépendant même si il est distribué par les grands groupes type Fnac etc, qui pourtant appliquent des politiques commerciales rigoureuses (et des grosses commissions, mais ça c’est un autre débat ...). Pour les concerts, vous êtes encore plus cléments, 93 % d’entre vous estiment qu’on reste indépendant même si les artistes tournent dans des salles ou des festivals subventionnés (et donc réglementés.) Vous êtes également 87 % à dire que ce n’est pas parce qu’on vit de sa musique qu’on est pas indépendant. Malgré tout, lorsqu’on vous demande développer sur la question, vous êtes beaucoup à souligner le fait que la musique ne doit pas être faite pour gagner de l’argent. Ainsi, Easywiish précise que le rappeur indé “se contente d’en vivre si il le peut plutôt que de se faire les couilles en or”. La notion de gagner de l’argent est un sujet réellement tabou dans le rap indépendant/underground car il y a cette idée que le rappeur indé parle de son vécu, et de ce fait, il est rare de les entendre sur le fait que leur niveau de vie a pu être amélioré grâce à la musique. Alors que certains indépendants, du fait des commissions amoindries par le fait qu’ils s’auto-produisent, gagnent confortablement leur vie. D’autre part, il y a un sujet sur lequel vous ne transigez pas, c’est le contrat en maison de disque. Vous êtes 61 % à considérer qu’un rappeur ne peut plus être considéré comme indépendant si il a signé un contrat, même si il a commencé en temps qu’indépendant. Si plus de la moitié du panel l’affirme, ce n’est pas une majorité absolue. Ainsi, thomas.bruggemans affirme que “si des rappeurs comme Nekfeu ou bien Vald se disait indépendant” ça ne lui poserait pas de problème. Vous êtes énormément à lier le fait de signer un contrat au fait de modifier son contenu pour qu’il soit plus édulcoré et donc plus diffusable. Cela se vérifie aisément avec des artistes comme la Sexion d’Assaut qui, il y a encore 10 ans faisait des feats avec le TSR Crew et qui maintenant chante des chansons qui plaisent aux ménagères. Et ce n’est clairement pas le seul exemple, même si les maisons de disques ont compris tout récemment que le rap plus brut avait encore un gros potentiel commercial et qu’on a donc vu des artistes comme Sofiane émergé à la vitesse de la lumière alors qu’il galérait depuis 10 ans en indé.

Si on s’en tient donc à vos réponses majoritaires, un artiste indépendant crée lui même sa musique, peut la distribuer à grande échelle mais avec des réseaux de distributions sans intermédiaires, et n’est pas signé en maison de disque. Mais je m’interroge, car il y a des artistes qui rentrent dans ce cas de figure qui donnent pourtant de l’urticaire à la plupart d’entre vous, et d’autres qui semblent absolument intégrés au milieu et qui pourtant collaborent avec des grandes maisons de disque. Ainsi, PNL a récemment été élu comme le groupe le plus indépendant en France. En effet, ils distribuent leur musique sur une plate-forme en ligne (Tunecore) et touchent ainsi 100 % de leurs revenus, contrairement à un contrat de distribution classique qui est souvent basé sur un deal à 60 voir 70/40 voir 30 %. Jul est distribué par Musicast/Believe, distribution qui est ou était en contrat avec de nombreux artistes de notre milieu comme Davodka, Lacraps, Hugo TSR. Mais il y a aussi des artistes que nous considérons comme indépendants qui sont en contrat avec de grands groupes. Notamment Vin’s du Waza Crew, qui a signé l’année dernière avec Capitol (Filiale d’Universal Music France) ou Demi Portion qui est distribué par Bendo Music (distribution indépendante mais affiliée à Universal). L’indépendance est-elle donc en priorité marquée par le contenu et la forme ou par la manière dont on est distribué ? De nombreuses exceptions confirment la règle.

Pour conclure, être indépendant, n’est ce pas justement avoir la possibilité de se définir comme on l’entend ? ...

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