Athanor de Django, l'album d'une genèse.

L’Athanor, c’est un alambic à combustion lente, qui sert en alchimie de fourneau pour la matière composant la légendaire pierre philosophale, chargée de transformer n’importe quel vil métal en or. Dès le titre, Django donne le ton. Cet album, c’est celui d’une genèse, comme s’intitule le premier titre.



 Mais la genèse de quoi ? On a connu Django il y a 5 ans, sur des titres comme « Fichu », le succès est immédiat. Dès ses premiers clips, on voit les écoutes exploser. Mais ce succès est entaché par des comparaisons avec Nekfeu. Si au début Django apprécie le fait d’être comparé à un artiste de cette envergure, il déchante très vite quand on l’accuse de plagier, d’être une copie. La musique, pour un artiste, c’est le reflet de son âme. Chaque titre sorti est une confession. Comment supporter le fait que cette part de nous que l’on transmet au public, soit attribuée au bénéfice d’un autre ? L’artiste confie à Booska-P qu’il ignorait comment gérer ce buzz, et ces comparaisons. Il n’avait que 19 ans à l’époque.



 C’est ainsi que Django se mure dans le silence pendant plusieurs années, choisit la discrétion. Mais c’est pour des raisons personnelles qu’on l’a tout bonnement vu disparaitre des radars. Le Parisien indique à Medhi Maizi qu’il est bien plus important de prendre le temps de devenir un meilleur homme que de devenir un meilleur rappeur pour lui. Et son album, Athanor, est le témoignage de ce cheminement.

 Quand je lisais les commentaires Youtube de son interview ou du reportage apparus à l’occasion de la sortie du projet, on y retrouve des adjectifs récurrents « sombre », « mystérieux », « tristesse ». Personnellement, les mots de Django étaient pour moi le reflet de mes propres démons. On a une chose en commun. Les traumatismes d’enfance, la dépression, les envies suicidaires et le manque d’amour.



 Les changements de Django, on ne fait pas que les entendre, on les voit aussi. Le petit babtou au pull Trasher et aux cheveux longs est devenu un artiste charismatique, dont on sent l’aura frôler chaque parcelle de notre cerveau. Sa personnalité se dégage aussi de son physique, de nombreux tatouages sont apparus. On a tendance à assimiler les tatouages à de l’autodestruction. Pour moi c’est aussi une manière de se réapproprier notre être. Le mot « Distance » trône au-dessus de son sourcil. Les visages tatoués font peur au commun des mortels. Est-ce une manière d’ériger des barrières avec le monde pour se protéger ?



 Dès le premier morceau, « Genèse », qui est un condensé de ce qu’il exprime de plus personnel dans le reste de l’album, Django donne le « la ». « Je passe mes journées à vesqui le suicide, mon reuf, j’ai pas le temps pour le marketing ».

 La dépression, couplée à des envies suicidaires, c’est un mal-être profond. Dans ces moments d’extrême désespoir, on retrouve des caractéristiques et des réactions communes à chaque personne en souffrance. Tout au long de l’album, Django en fait état.

 « J’ai toujours été seul le désert c’est chez moi », Film. La solitude, c’est le sentiment le plus dur à comprendre. Entre isolement voulu et subi, la personne dépressive se renferme et se désociabilise. On se retrouve à être confronter à nos démons constamment, sans avoir d’échappatoire pour penser à autre chose et essayer de trouver un peu de lumière dans nos existences sinistres.

 « Et je sens le mal, j’crois que j’l’ai dans les gênes » Devil Jin. Pour nous autres enfants traumatisés, il est difficile d’avoir une construction psychique stable. Le manque d’amour, de compassion, le manque de repère entrainent chez nous de véritable lacune concernant la confiance et l’amour propre. On en arrive à avoir un sentiment de ne pas être méritants, d’avoir une part d’ombre trop importante pour avoir le droit d’être aimés. Et c’est aussi pour cela que nous sommes des personnes très difficiles à aimer. « Tombée du ciel, j’aurais pu te garder près de moi mais j’ai soigné tes ailes », Juin. On ne pense pas mériter le bonheur, ainsi on investit à l’épuisement dans une relation avant de laisser les gens partir parce que nous sommes incapables d’accepter le positif dans nos vies.



 « Sur le ring, je suis contre moi-même. » Seul. La dépression, c’est un combat contre soi-même. Essayer de sortir du trou quand on est celui qui le creuse, c’est probablement la plus grande épreuve de la vie. « Quand le jour et la nuit coexiste, dans la merde j’ai trouvé poésie ». Seul. Dans cette torpeur, on se retrouve, on finit par lui trouver quelque chose de beau, d’attirant, d’attrayant. La noirceur nous aspire et on finit par s’y allonger, en attendant que toutes les lumières s’éteignent. « J’ai connu tant d’heures sombres, on dirait que j’adore ça ». Seul. 

L’introspection est aussi un thème très récurent dans cet album. « Eux n’ont pas compris qu’on n’enlève pas la merde en mettant un tapis dessus ». Centurion. Dans son interview avec Medhi, Django dit « Il faut d’abord chercher ses racines avant de prétendre avoir des branches ». On reproche souvent aux personnes mélancoliques de ressasser, d’être souvent dans le passé. Mais comment peut on prétendre se connaitre quand on ignore d’où l’on vient ? Faire le point sur ce qu’on a vécu est une manière de se connaitre, de tirer des leçons et surtout de grandir. C’est le premier chemin vers la résilience. 

 La résilience, c’est un terme qu’on m’a souvent lancé en psychiatrie. « Il faut tourner la page, passer à autre chose et avancer ». Mais quand on est « ingénieux dans la souffrance » Centurion., a quoi bon ? On peut trouver une source intarissable de force dans la difficulté. « J’t’assure, j’suis hypersensible, touche-moi, c’est le home run dans les gencives. » Miséricorde.

En écoutant cet album, j’ai vraiment pu ouvrir des perspectives de réflexion sur mon propre état. Pourquoi devrait-on absolument aller bien, être heureux ? Pourquoi la mélancolie serait forcément un défaut ? Pourquoi ne pourrait-on pas se définir dans la noirceur si celle-ci reflète notre construction ? « J’suis pas comme toi, c’est tout, gros, pourquoi tu me prends la tête ? ». Slasher 

L’acceptation. C’est le sentiment que je ressors le plus des mots de Django. Dans l’interview, il exprime bien le fait qu’il a accepté sa noirceur mais surtout que cela ne signifiait pas qu’il n’y a pas de lumière en lui. En fait, c’est ça la genèse exprimée dans ce projet. C’est d’avoir su renaitre. D’avoir suivi ce processus formateur pour trouver qui il est et vers où il va. « Chaque pas, c’est l’but, on part en pèlerinage. » Neptune.



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